Le marché du travail à l'ère de l'intelligence artificielle : « Il n'y a pas moins d'opportunités, mais les attentes sont plus élevées. »

L’intelligence artificielle transforme en profondeur non seulement la manière dont les gens débutent leur carrière, mais aussi le marché de l’emploi dans son ensemble. De nombreuses tâches traditionnelles sont automatisées, tandis que de nouveaux métiers apparaissent. Pour les jeunes professionnels en particulier, cela signifie davantage d'exigences, mais aussi de nouvelles opportunités.

Samuel Mete, expert du marché du travail chez LHH, analyse les évolutions actuelles et explique ce qui est essentiel pour réussir dans un monde du travail influencé par l’IA.

Pas moins d’emplois, mais des recrutements plus sélectifs

Dans des secteurs populaires comme le conseil, le droit ou la banque d’investissement, la demande de diplômés reste stable.
Selon l’ Adecco Group Swiss Job Market Index pour le premier trimestre 2025, le nombre de postes pour débutants a même augmenté depuis la pandémie. Cependant, les priorités changent.

« Les tâches classiques des juniors, comme la préparation de données ou les présentations, sont désormais souvent prises en charge par l’IA », explique Mete. « Les entreprises sont devenues plus exigeantes. Celles et ceux qui souhaitent postuler doivent offrir plus qu’un simple diplôme. »

L’indice montre néanmoins que le niveau de formation requis est en hausse, avec un nombre croissant de postes demandant une formation secondaire ou tertiaire.

RH, communication, administration : des métiers en pleine transformation

Des domaines comme les ressources humaines, la communication ou l’administration sont particulièrement touchés par l’automatisation. Des tâches telles que le tri des CV, la rédaction d’offres d’emploi ou de textes internes standardisés peuvent désormais être assurées de manière fiable par l’IA.

Mais Mete souligne que cela ne signifie pas la disparition de ces professions.« Le focus se déplace des tâches opérationnelles vers des activités plus stratégiques et centrées sur l’humain, comme le développement organisationnel ou la gestion du changement. »

Une pression croissante sur les professions commerciales

La prudence est également de mise dans le recrutement pour les fonctions commerciales.
Selon le dernier Indice des pénuries de compétences, les processus automatisés deviennent de plus en plus courants dans des domaines tels que la comptabilité, le controlling ou l’administration.

Cela dit, de nouveaux rôles voient le jour dans des domaines comme le reporting numérique, l’analyse de données financières, le controlling assisté par IA ou encore la gouvernance de l’IA.

« Ici aussi, l’accent se déplace : on passe du traitement pur des processus à leur interprétation et à l’aide à la décision. Mais la situation économique et géopolitique instable freine également la création de nouveaux postes, tous secteurs et fonctions confondus », indique Mete.

Il ajoute : « L’automatisation ne s’arrête pas à un secteur. On observe une tendance transversale, mais avec des vitesses différentes. Les secteurs aux processus facilement standardisables sont actuellement les plus concernés. »

Même si le démarrage est plus lent, l’effort en vaut la peine

L’entrée dans la vie professionnelle est devenue plus complexe.
Les entreprises sont plus exigeantes, et les processus de recrutement prennent plus de temps.

« Il n’y a pas moins d’opportunités, mais les attentes sont plus élevées », souligne Mete. « Les personnes qui comprennent l’IA et savent l’utiliser intelligemment sont particulièrement recherchées aujourd’hui. »

Que doivent apporter les jeunes talents aujourd’hui ?

Mete recommande un profil de compétences hybride, basé sur trois piliers essentiels :

• Compétences numériques : compréhension de l’IA, de l’automatisation, de l’analyse de données et des enjeux éthiques.
• Volonté d’apprendre et agilité : capacité à s’adapter rapidement aux nouveaux outils, ouverture au changement et à l’apprentissage continu.
• Compétences humaines : créativité, pensée critique, empathie, communication et résilience.

« À mon avis, ceux et celles qui possèdent ces qualités ont aujourd’hui un net avantage concurrentiel », affirme Mete.

Le changement concerne tout le monde, pas seulement les jeunes

La manière dont nous faisons face au changement est décisive – non seulement pour les jeunes talents, mais pour toutes les générations sur le marché du travail.
De nombreuses entreprises misent sur la reconversion et la montée en compétences pour permettre aux jeunes talents d’évoluer vers de nouveaux rôles.

Cependant, l’automatisation, la pression économique et les incertitudes géopolitiques entraînent également des restructurations dans les échelons moyens et supérieurs.

« Ce qui compte, ce n’est pas l’âge, mais la volonté de comprendre et de co-construire les nouvelles technologies », insiste Mete.

Le marché de l’emploi évolue – mais personne n’est laissé de côté

Que l'on débute ou que l'on soit expérimenté, les règles sont les mêmes : les personnes flexibles, curieuses et ouvertes à la technologie disposent de plus d'options que jamais auparavant.

Comme le résume Mete, « le champ des possibles s’est élargi et il est devenu passionnant. Il suffit d’être prêt à y entrer. »