Culture d'entreprise : l'impératif stratégique à la réussite de l'entreprise ?
Article écrit par Ségolène de Pierrefeu, Practice Leader Culture solution | LHH

Nous avons, bien entendu, pas mal d’idées et de propositions à faire sur le sujet, cependant comme le dit l’adage ; « Ne consulte pas le médecin mais celui qui a été malade ». Nous avons donc rassemblé quelques dirigeants et DRH soucieux de déployer leur feuille de route tout en travaillant une « ambiance de travail » de nature à embarquer et retenir ceux qui la vivent à l’intérieur et donne envie d’ouvrir la porte à ceux qui la regardent de l’extérieur.
Delphine Batiot, Global Head of Talent, Development & Inclusion chez SUEZ, Mayté Pedra Bruno, DRH chez ATR et Gaëlle de la Fosse, Présidente de LHH, nous ont partagé leur expérience sur le sujet ; leurs réussites comme leurs enjeux dans l’identification et le déploiement de la culture d’entreprise.
Bonne nouvelle, nous étions en phase sur pas mal de points ! Morceaux choisis ;
La culture d’entreprise est un sujet vaste qui est rarement abordé comme tel par le CEO ou le CHRO. On parle plutôt de transformation ou de nouveau projet d’entreprise qui intègrera un volet stratégique, un volet organisationnel et un volet RH d’évolution des comportements. De fait, la façon de mesurer, déterminer ou ancrer une culture variera sensiblement d’une entreprise à l’autre et le « one size fits all » ne peut s’appliquer.
Récemment, alors que j’échangeais avec un professeur des universités, chercheur en RH et RSE, celui me confiait « je déconseille à mes doctorants de faire leur thèse sur la culture d’entreprise.Le sujet est tellement protéiforme et peu documenté qu’on ne peut décemment en faire un sujet de recherche ».
Le témoignage de nos panelistes vient corroborer ces propos ; qu’on l’aborde comme le nécessaire pendant de la construction de la feuille de route stratégique (« En réalité, je ne voyais pas comment on pouvait créer, d'une certaine manière, une nouvelle entreprise, avec des profils et même des entreprises différentes, sans penser à une culture qui nous lie et caractérise le vivre ensemble » Gaelle de la Fosse – LHH ), comme un héritage de l’histoire de l’entreprise (« c'est lié à l'histoire de Suez » Delphine Batiot) ou sous l’angle d’une passion pour un savoir-faire (« Chez ATR, le produit prend une place prédominante dans notre culture » Mayté Pedra Bruno), la culture est un savant mélange de choix stratégiques, de raison d’être, de valeurs et d’engagements caractérisant autant la singularité de l’entreprise qu’un dénominateur commun à tous les collaborateurs qui la composent. De fait, on ne peut appliquer une seule et même recette à une demande qui est rarement formulée de la même manière.
« La culture mange la stratégie au petit déjeuner ». Que l’élément déclencheur soit un changement de gouvernance, une réorganisation, la création d’une nouvelle entité ou une transmission, la transformation ne peut s’appuyer seulement sur une nouvelle stratégie ou un nouveau modèle opérationnel. Seul un travail sur la définition d’attributs culturels communs permet une réelle évolution des comportements et une dynamique d’adhésion au projet futur.
Comme le partagent Delphine Batiot « Suite à l'arrivée de notre nouvelle équipe dirigeante, on a d’abord beaucoup travaillé sur le nouvel operating model ; notre raison d'être, notre nouvelle stratégie, notre nouvelle organisation. Dans un second temps, on s'est dit que tout ça ne fonctionnerait que si on avait les bons comportements », et Gaelle de La Fosse « Dès lors qu'on a commencé à définir la stratégie, c'était important de définir ce qui allait faire du sens pour tout le monde ». Creuser le « comment » alors qu’on a travaillé le « quoi » semble donc une évidence afin de dérouler la stratégie selon des fonctionnements communs. Ne pas entrer dans cette réflexion, c’est prendre le risque de s’engager dans une feuille de route stratégiquement et financièrement cohérente bien qu’oblitérant le support et l’engagement de ceux qui contribueront à la rendre concrète.
« La culture c’est ce que l’on voit quand personne ne regarde ». A l’heure où les entreprises sont scrutées au travers de l’évolution de leur chiffre d’affaires, leur part de marché ou leur EBITA, l’identité voire la personnalité d’une entreprise est une notion difficilement quantifiable mais un puissant levier d’engagement et donc de performance de l’entreprise.
Ce subtil mélange de facteurs émotionnels (harmonie des relations, ambiance de travail, adhésion à la raison d’être de l’entreprise, attachement à une figure emblématique de l’organisation ) et rationnels (fonctionnements entre collègues et services, engagements sociétaux, normes comportementales) que Gaëlle de la Fosse – LHH définit comme « comme l'expérience vécue par les collaborateurs au quotidien » permet néanmoins à l’entreprise de préciser les repères comportementaux qui lui permettront de mettre en œuvre sa stratégie tout en « cimentant » le corps social autour de leviers de motivation et d’intégration communes.
Qu’on l’appelle « référentiel de Leadership » chez Suez, « valeurs » chez ATR ou « engagements culturels » chez LHH, il n’en reste que ce langage commun se caractérise pas des attitudes et des postures bien visibles qui vont permettre l’efficacité et le sentiment d’appartenance…. en particulier lorsque les critères habituels de performance, qui font l’objet de toutes les attentions, ne sont pas au rendez-vous. Ainsi en va la « Confiance » valeur génératrice de la solidarité chez ATR ou « Prendre ses responsabilités » un des engagements culturels de LHH vecteur d’empowerment sur les décisions.
« Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ». Qu’on l’appelle « ensemble pour aller plus loin » chez Suez, « one ATR » ou « Gagner ensemble » chez LHH, on parle quasiment systématiquement de collaboration dans les attributs culturels d’une entreprise. Il en va souvent de même avec l’innovation, l’excellence et la passion. Pourtant, ce n’est pas le manque d’imagination qui fait ici défaut aux entreprises. Cette similarité est plutôt une volonté de caractériser le « travailler ensemble » et la nécessité de se démarquer dans un univers concurrentiel qui ne cesse de se réinventer.
Tout l’enjeu est donc de les décliner en comportements visibles qui eux seront liés à la mission, à l’organisation et à l’histoire de l’entreprise. On voit bien que plus on se rapproche du métier, de la raison d’être de l’entreprise, de ce qui « nous fait nous lever le matin », plus on a de chances d’avoir une appropriation large et consensuelle.
La culture d’entreprise n’est pas quelque chose que l’on décrète. Si ce que l’on vit ne reflète pas ce que l’on voit, alors la perte de confiance peut être difficilement réversible. Il est donc important d’identifier les obstacles structurels et organisationnels très tôt afin de décliner les attributs culturels en comportements qui soient non seulement visibles mais aussi possibles et, bien sûr, largement incarnés au plus haut de l’organisation.
Une culture d’entreprise est souvent faite d’attributs culturels « positifs » c’est à dire des valeurs vécues comme « inspirantes » par les collaborateurs (typiquement la collaboration, l’innovation ou la passion d’entreprendre) ; et des attributs culturels « négatifs », c’est-à-dire des fonctionnements qui génèrent de la frustration ou, quoiqu'il en soit, sont ressentis comme contreproductifs au regard de la stratégie ou de la culture souhaitées. On pense ici à des fonctionnements en silos, des process ou des systèmes de contrôle jugés trop contraignants, une communication trop confuse, … qui vont, de fait, rendre la collaboration, l’innovation ou la passion d’entreprise difficile voire impossible. C’est ce qu’on appelle l’entropie culturelle, un indicateur de rupture entre l’exécution et la culture qui va amener les collaborateurs à juger la culture comme une jolie peinture qui cacherait un mur en état de décrépitude. D’où l’intérêt de l’identifier afin de définir clairement les situations ou les contextes ou la collaboration, l’innovation et la passion d’entreprendre peut s’exprimer. Et en cela, l’ensemble es managers et leaders se doivent, évidemment, d’en être l’incarnation.
Ne pas confondre culture d’entreprise et culture managériale. La culture doit parler à tous, elle ne peut s’adresser qu’à ses managers et ses leaders, soit plus ou moins 10% de l’entreprise. Cependant, le manager joue un rôle central dans l’expression des attributs culturels et dans l’accompagnement de son équipe tant dans la compréhension de la culture cible que dans l’identification des situations qui permettent son incarnation.
Comme le dit Delphine Batiot – Suez « Notre modèle s'adresse à l'ensemble des salariés Mais quand bien même, chacun ne peut se l’'approprier que s'il reflète la réalité de son quotidien C'est pour ça qu'on a voulu travailler avec les managers en priorité pour qu'eux-mêmes puissent expliquer à leurs équipes et avoir cette discussion avec eux. « Qu'est-ce que tel comportement veut dire dans ton quotidien ? ». Le manager est donc invariablement au centre de l’équation sans être pour autant la seule composante. Il ne pourra lui seul, même doté des supers pouvoirs que lui confère son rôle, être le seul garant de la mise en œuvre de la culture.
Le temps et l’énergie que mettent les entreprises à diagnostiquer les composantes de la culture en vigueur ou à construire un schéma culturel cible doit être au moins égal à l’énergie et le temps passé à s’assurer que les managers ont les moyens de la déployer. Nous avons travaillé et identifié de nombreux schémas et outils pour accompagner les entreprises dans ce sens tout comme nous avons identifiés les process et outils Rh qui doivent être adaptés afin de valoriser les attributs culturels tant en interne qu’en externe auprès des candidats potentiels.
* n°2 pour l’étude 2025 Gartner HR priorities
** 25% des salariés prêts à quitter l’entreprise par manque de « fit culturel » selon l’étude « Global Workforce of the Future » The Adecco Group 2022
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