Quelle place pour l’IA dans mon entreprise ?
Article écrit par Rachel Lascaux, experte en accompagnement des transformations.

« Intelligence artificielle » ? De quoi parle-t-on exactement ?
L'intelligence artificielle (IA) se réfère à la capacité des machines, par le biais d’algorithmes de calcul, à effectuer des tâches qui nécessitent normalement l'intelligence humaine. Aujourd’hui, on parle d’IA « générative » : l’intelligence artificielle est capable de comprendre nos demandes et d'y répondre en générant du texte, des données, des images ou encore des vidéos.
Quels réels impacts sur l’emploi ?
Evidemment, une telle technologie ne peut pas ne pas avoir de répercussions sur l’emploi, que ce soit sur le nombre ou la nature des tâches à effectuer, ou encore la façon de les effectuer. Les études publiées sur le sujet sont pléthores, et chacune propose ses propres chiffres. Retenons-en deux : 70% des entreprises auront adopté au moins un type de technologie d’IA d’ici 2030 (1) et 35% des établissements en France utilisent déjà l’IA ou sont en train de la déployer (2).
Ce que nous pouvons supposer aujourd’hui, c’est que, comme toute technologie émergente, l’IA va conduire à la transformation de nombreux emplois. Oui, il faut se préparer à ce que l’automatisation permise par l’IA supprime certaines tâches et accélère l’obsolescence de certaines compétences.
Toutefois, regardons un peu en arrière : les précédentes révolutions industrielles montrent que les technologies ont eu plutôt un impact positif en termes de création d’emplois (grâce en particulier au report des gains de productivité pour produire de nouvelles richesses) mais aussi que l’impact sur l’emploi et les compétences est beaucoup plus lent et moins net que ce qui avait été anticipé (prenons pour exemples l’automatisation des sites de production industrielle dans les années 80/90 ou encore le déploiement des systèmes d’information depuis 20 ans). D’ailleurs, une enquête réalisée chaque année par l’Insee nous indique que, en France, l’emploi total des entreprises ayant adopté l’IA augmente davantage que dans les autres.
Malgré quelques études alarmistes, il ne faut donc pas s’attendre au grand remplacement de l’humain par les robots.
Un gain de qualité et de temps
En revanche, ce qui se dessine, c’est que l’IA va suppléer mais aussi améliorer la qualité de certaines tâches. Ainsi, un juriste en entreprise qui utilise une IA générative va avoir accès à toute la connaissance juridique actualisée de façon instantanée et à une première analyse, qu’il pourra affiner et corriger grâce à son expérience et son expertise.
Une étude Adecco Group (3) nous apprend que les salariés qui utilisent l’IA gagnent en moyenne 1 heure de travail par jour. Les témoignages qui vont dans ce sens se multiplient. Prenons l’exemple de cette entreprise qui a constaté que l’utilisation des outils d'IA permettait à ses collaborateurs de gagner 21 heures par semaine, principalement en automatisant des tâches auparavant manuelles, telles que la saisie de données, les e-mails de confirmation…
Se pose donc une question assez légitime : que devient ce temps gagné ?
Les répondants à l’enquête Adecco nous orientent :
- Faire du travail de meilleure qualité
- Réaliser des activités créatives
- Se reposer (certains experts estiment que l’IA pourrait accélérer l’adoption de la semaine de travail de 4 jours)
- Travailler sur des tâches à plus forte VA (mais sommes-nous tous capables de nous concentrer sur des tâches très intellectuelles à temps plein ?)
- Se former
« Se former » : le défi majeur à relever pour les employeurs
De nouvelles compétences apparaissent indispensables : techniques bien sûr (développement et application des technologies de l’IA / machine learning / data analysis …) mais aussi et peut-être surtout comportementales (esprit critique, empathie, adaptabilité face à des évolutions permanentes…), ces soft skills dans lesquelles les humains excellent et que les machines ne savent pas reproduire.
Prenons l’exemple de la santé : l’IA est de plus en plus utilisée pour diagnostiquer et prévoir les maladies (détection précoce et intervention rapide). En France, environ 10% des centres de radiologie sont équipés d'IA pour lire les mammographies, et le déploiement s’accélère (multiplication du nombre d’examens, difficultés de recrutement de radiologues…) Pour autant, nous touchons là au phénomène de l’acceptabilité sociale : combien de patients sont prêts à entendre un diagnostic potentiellement mauvais venant d’une machine ? L’expertise humaine sera ici doublement attendue : pour vérifier et valider les résultats obtenus d’une part, pour la lecture et la communication empathiques de ce résultat d’autre part.
Comment accompagner ces changements ?
Face à ces bouleversements majeurs, il est absolument indispensable pour les entreprises de penser l’intégration de l’IA dans leur stratégie et de favoriser son appropriation par leurs équipes.
Il s’agira d’intervenir dès l’amont, pour :
- Intégrer l’IA aux réflexions stratégiques de l’entreprise : l’IA au service de quoi ? De la productivité et de la réduction des coûts ? De l’amélioration du service client ? Ou pour renforcer la valeur ajoutée des postes et améliorer les conditions de travail ?Il s’agira de définir des KPIs précis pour mesurer les impacts de cette technologie sur les objectifs et les process de l’entreprise, de raisonner en termes de création de valeur et de satisfaction des employés et non pas seulement en termes de gains de productivité.Et de s’interroger : dans quelle mesure un SIA va-t-il s'intégrer dans les process et la culture de mon entreprise ? Si vous gérez une clinique et qu’une IA peut formuler des diagnostics toutes les demi-heures alors que les patients sont reçus tous les quarts d'heure, il sera de bon ton de s’interroger sur la pertinence d’un tel investissement.
- Anticiper l’impact sur l’emploi et les compétences (quantitatif et qualitatif) : Aux collaborateurs qui vont être amenés à beaucoup utiliser ces outils, notamment les DSI, il s’agira de proposer des formations afin d’améliorer leurs compétences mais surtout de leur permettre de se sentir à l'aise avec ce virage stratégique. Aux collaborateurs qui pourraient voir le nombre de leurs tâches baisser drastiquement, il s’agira d’offrir des opportunités de reconversion professionnelle. A ceux qui pourront bénéficier des gains de productivité offert par l’IA, qui verront leurs activités se transformer, il s’agira de proposer un accompagnement pour leur permettre d’accomplir des tâches plus qualifiées.
- Acculturer les équipes : Comment l’IA s’alimente de ce qu’on lui donne ? Pourquoi faut-il faire attention aux biais algorithmiques ? Comment prompter ? Quels sont les risques à utiliser l’IA et comment les dépasser ? Comment associer l’IA à mon quotidien pour l’alléger ?
Mais il est tout aussi primordial d’accompagner la phase de déploiement, pour :
- Piloter la transformation, anticiper l’évolution des rôles, des compétences, du management et de la gouvernance liée au déploiement de l’IA au sein de l’organisation. Ainsi, de plus en plus d’entreprises ont déjà élaboré des chartes éthiques internes pour guider l'utilisation de l'IA dans la gestion des RH. Ces chartes mettent l'accent sur la nécessité d'éviter les discriminations et de garantir la transparence des processus utilisant une IA.
- Conduire le changement, en particulier en définissant une communication adaptée pour expliquer, rassurer, mobiliser les équipes et le management. Les SIA peuvent être perçus par les collaborateurs comme une menace pour leur emploi ou le contenu de leur travail. Les dirigeants doivent être transparents, et bien communiquer sur la façon dont l'IA va impacter l'expérience, la productivité et l'évolution de carrière des collaborateurs. Au-delà de rassurer les équipes, il est primordial de les embarquer pour assurer le succès de l’adoption de l’IA par l’organisation, à défaut de quoi l’investissement pourrait s’avérer vain.
Plus qu’une simple technologie, l’IA offre une opportunité unique de repenser l’entreprise et son organisation. Le succès de son adoption passe par une réflexion amont sur la place de l’IA dans la stratégie globale de l’entreprise et un accompagnement des équipes à son déploiement et son utilisation.
(1)Source McKinsey
(2)Source France Travail
(3)Etude menée à l’été 2024 auprès de 35.000 salariés de 27 pays
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